Casque anti-bruit
 

Batailles choisies #560

Un mari peut-il critiquer sa femme? Vraie question féministe. Des avis? Ça se passe comment chez vous? #Notallmen s’abstenir. 🎧


 

Je suis trop souple.

Je ne suis pas assez stricte.

Je laisse tout passer.

Je ne dis jamais non.

Je ne les engueule pas assez.


Ma façon de faire avec les enfants est, selon les jours, un sujet de désaccord, de dissension ou de dispute avec Mari et je me pose sincèrement la question, en tant que mère qui veut bien faire, mais aussi en tant que féministe: peut-il critiquer ma façon de faire alors qu’on n’échappe pas à la terrifante présence du patriarcat dans notre couple? Pour le dire autrement: est-ce que je suis trop souple avec les enfants parce que je fais l’essentiel du travail parental? Et est-ce que Mari a le luxe d’être plus strict parce qu’il passe moins de temps avec les enfants?


Je ne peux m’empêcher de penser que la méthode forte qu’est souvent l’école des pères est un luxe que je n’ai pas. Je passe beaucoup plus de temps avec les enfants. Je passe aussi beaucoup de temps seule avec eux, contrairement à Mari. De cette expérience de me débrouiller avec eux, d’avoir la charge de l’essentiel de leurs besoins et demandes, j’ai appris à éviter de m’énerver, punir, crier, faire tout ce qui est en mon pouvoir pour que mes trois grenades ne m'explosent pas à la figure. Être souple, contourner, anticiper est ma stratégie de survie face à la bataille perdue d’avance qu’est être une mère de trois jeunes enfants.

D’où parle Mari? Loin de la réalité des journées pleines de conflits avec les gosses.

D’où est-ce que je parle? Du milieu du cambouis des enfants.


Un exemple parmi d’autres: ce matin je suis partie à 8 heures chez le pédiatre pour Dernier. J’en reviens à presque dix heures trente, après le rendez-vous et un vaccin contre la grippe que j’ai réussi à faire faire en même temps. Mari, qui est en vacances, doit terminer de monter le meuble de la loggia. C’est lui qui s’occupe de la maison, ménage, achats, petits et grands travaux. Là, pour terminer le meuble et le réaménagement de la loggia, il a mis un casque anti-bruit sur les oreilles. Un casque anti-bruit. Est-ce un symbole assez clair? Puisqu’il n’a pas le projet d’entendre sa petite famille, il faut bien que quelqu’un puisse l’écouter, non? Et qui donc? Ma fatigue du patriarcat au sein du couple hétéro, je crois qu’elle est toute entière dans ce casque anti-bruit, dans cette façon de me dire que, pour les prochaines heures, les enfants, c’est mon problème. Être souple, dans ces conditions… en ai-je vraiment le choix? Est-ce que ce n’est pas le mieux, pour nous tous? Comment accepter les critiques, les désaccords, de celui qui a moins les mains dans le cambouis? Quand on a passé des heures, des journées, des années, à gérer, somme toute pas si mal, les trois enfants, le plus souvent seule, est-ce qu’on peut entendre les “il faut” et “tu devrais” de l’homme aux mains blanches? Peut-on légitimement tuner une voiture dont quelqu’un d’autre fait le moins glamour entretien? Je pose vraiment la question, derrière la mauvaise humeur provoquée par le casque anti-bruit. Parce que les mamans très strictes et fermes existent aussi, et peut-être ai-je quelque chose à apprendre d’elles? Je ne sais plus comment naviguer, dans ma famille, ce qui relève du patriarcat et ce qui relève de simples désaccords entre deux personnes qui partagent une vie. 


Pour l’heure, je me dis simplement que je ne suis pas parfaite, que je fais de mon mieux. Et que je fais forcément des erreurs. J’aimerais m’améliorer, pouvoir regarder en face ce qui ne marche pas pour essayer de trouver ce qui marcherait mieux. Mais là, je n’ai pas envie d’entendre, depuis la flaque de cambouis, de la part de celui qui est tout propre derrière son bureau. 

C’est une façon de me protéger, et de continuer à travailler.

Moi aussi, j’ai un casque anti-bruit.


Batailles en vrac⭣

Batailles rangées⭣

La toujours-coupable
 

Batailles choisies #559

C’est juste une petite sortie au café pour aller manger une glace, non? En une heure, je vais me sentir coupable sept fois. Bienvenue dans la vie de mère. 7️⃣


 

1- 

- Bon, on arrête la télé, hein. Non, non, les deux heures sont passées!

Et bien passées. Quand je le franchis les deux heures, mon seuil de culpabilité, je sens mon cœur prendre l’eau, aussi mouillé que mes beaux principes d’éducation à l’air libre et sans écran. Il faudrait que je fasse des jeux de société avec les enfants, surtout quand Dernier fait la sieste… je devrais pas les coller devant Ninjago, vraiment… 

Soupir.


2- 

- On y va! Mais quoi? Mais qu’est-ce qu’il y a! On arrête les disputes, là! Qu’est-ce qu’il se passe, Milieu? Ton frère t’a frappé? Écoute, je vais en reparler avec lui, d’accord, là on doit sortir.

Dernier, qui vient de se réveiller, est d’humeur potable, Grand ne boude pas, et je me débrouille avec le chagrin de Milieu: il faut donc profiter de l’élan et absolument sortir. Une fois dehors, ça ira mieux, je le sais. Je devrais pas laisser couler comme ça…

Soupir.


3-

- En voiture, oui, on y va en voiture, les enfants.

Il faudrait y aller en vélo, c’est à moins de cinq kilomètres, la planète, tout ça. Quel genre de mère je suis, quel genre de futur je laisse à mes enfants, oh la la. Mais la roue de ma remorque est crevée…

Soupir.


4-

- Oui, Grand, la roue de la remorque est toujours cassée. Pourquoi je ne la répare pas? Ben, je ne sais pas faire…

Il faudrait vraiment que j’apprenne à faire ce genre de choses toute seule, au lieu de devoir demander à Mari, c’est pas comme ça que je vais éliminer le patriarcat. Je me dis autrice féministe et voilà, même pas capable réparer ma remorque… 

Soupir.


5-

- Donc 3 glaces… un déca et…et…peut-être…si, je vais prendre une part de carrot-cake. 

Oh, je devrais pas, je devrais pas. J’ai pris un ou deux kilos dernièrement… et je sais bien comment ça marche, les gâteaux chiliens ont toujours l’air bon mais ils sont trop sucrés, je vais mordre une bouchée, être contente pendant dix secondes et me sentir coupable… 

Soupir.


6-

- Oui, oui, un latte décaféiné, c’est bien ça.

- Très bien, mais c’est un produit un peu plus cher, je préfère vous le dire. 

- Euh… d’accord. Oui, je le prends quand même. 

Pourquoi il me dit ça, le serveur? Je n’ai pas le droit de dépenser deux mille pesos en plus pour moi, c’est ça? En même temps, peut-être qu’il a raison, c’est sûr qu’ils ne vont pas finir leur glace! Au lieu de prendre une part de gâteau, j’aurais dû finir leurs glaces. Je vais gâcher notre argent, c’est pas raisonnable…

Soupir.


7-

- Chut! Moins fort, enfin, Milieu…

- Mais Maman, je veux faire caca!

- Caca pipi popotin!

- Dernier, chut… ne hurle pas comme ça… 

Qu’est-ce qu’ils sont mal élevés… Vraiment, je ne suis pas souvent fière de mes enfants en public. Dernier a de la glace au chocolat autour de la bouche, dans le nez, sur les paupières et dans les cheveux. Là, mon petit bout, à qui ses grands frères ont appris à crier des grossièretés quand ils jouent à cache-cache, s’en donne à cœur joie pour une mortification personnalisée. Milieu me tire par la manche parce qu’il veut faire caca, Grand s’est traîné sous une table pour se cacher et est donc dégoûtant. Ils ne savent pas se tenir en public, c’est terrifiant, je devrais les élever mieux. 

J’ai réussi à entraîner tout le monde dans les petites toilettes du café, Milieu fait caca la porte ouverte pendant que je change Dernier, debout au-dessus du lavabo, en galérant, pendant que mon aîné fait des commentaires très fort et distinctement sur les productions de ses frères. Alors que je suis presque au bout de mes peines, mais que je monopolise les toilettes, on pousse doucement la porte:

- Tout va bien, là-dedans? vient me demander une serveuse.

- Euh, oui, oui, je m 'en sors, dis-je d’un ton qui manque d’entrain.

Je devrais arrêter de m’imposer ce genre de sortie… Bon, je réussis à payer, à ramasser nos affaires.

- On rentre les enfants!

- Euh, Maman, il fallait pas qu’on passe à la pharmacie pour Dernier?- 

- Si, Grand, mais je n’ai plus le courage… pffff…


8 (et un pour la route…) -

- On commencera le traitement demain.

Soupir.


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